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Johana Delesalle

Les pleurs : bien plus qu'un moyen d'expression, un besoin vital !

Dernière mise à jour : 5 juin 2023



Les pleurs ne sont pas très valorisés dans notre société. Au contraire, ils sont parfois considérés comme étant un signe de faiblesse et de vulnérabilité. "Arrête de pleurer, t'es plus un bébé." ; "Arrête ton caprice !" et toutes autres phrases sont dites aux enfants dès leur plus jeune âge. Les adultes valorisent même la répression des pleurs. "C'est bien tu n'as pas pleuré, comme un grand". Pourtant, les pleurs sont un véritable besoin qu'il faut considérer.


C'est pourquoi il est nécessaire d'informer et de sensibiliser sur ce sujet afin d'amener l'ensemble de la population à réfléchir et à travailler sur la représentation que l'on a des pleurs.

Car il est temps, que collectivement, on se libère de ces larmes qu'on a enfouies au fond de nous depuis notre toute petite enfance et qui n'attendent qu'une chose : pouvoir s'exprimer.


Les pleurs : à quoi ça sert ?


Les pleurs existent depuis bien longtemps. Et pour cause, ils participent à la survie de notre espèce ! En effet, les pleurs ne sont pas là simplement pour nous casser les oreilles ou pour nous créer des maux de tête, etc. En fait, ils ont une réelle utilité, que ce soit pour les bébés ou pour les adultes.


1. Les pleurs, une alarme crée pour survivre.


Si les pleurs existent c'est parce qu'à la naissance, l'être humain est dépourvu d'autonomie. Vous l'aurez probablement remarqué mais un bébé dépend TOTALEMENT des adultes qui s'occupent de lui pour vivre. Les pleurs ont plusieurs fonctions, mais la principale reste de permettre à l'enfant de faire venir l'adulte à lui. Cette volonté d'établir une proximité est le résultat de plusieurs causes : l'enfant ressent un inconfort (mal au ventre par exemple), il a un besoin non satisfait (manger, être propre, sommeil, contact physique, etc.) et/ou il perçoit un danger.

Les pleurs nous paraissent souvent être insupportables, et c'est parce qu'ils le sont qu'on accourt aussi rapidement pour essayer les arrêter. Pour résumer, les pleurs permettent à l'enfant que l'adulte viennent le protéger et réponde à ses besoins vitaux. Ce n'est donc ni un caprice, ni un mauvais caractère ou que sais-je d'autre.

Cela me fait penser aux chatons qui sont complètement dépendants de leur mère et qui se mettent à hurler dès qu'on les touche ou dès que leur mère est trop loin. Personne ne leur dit que c'est du cinéma ou qu'ils ont mauvais caractère ! Alors pourquoi nous disons ça lorsqu'il s'agit d'un petit être humain ?

Là vous vous dites peut être "Oui sauf que parfois mon bébé pleure alors qu'il a mangé, qu'il est propre et que tous ses autres besoins sont comblés. Alors pourquoi il pleure ?". Effectivement parfois un bébé pleure alors que vous avez répondu à tous ses besoins. J'attire quand même votre attention sur un besoin qui est souvent négligé mais qui pourtant est tout aussi important que les autres : le besoin de contact physique. Cela fait longtemps maintenant que certains chercheurs l'ont démontrés (Harlow, 1958) : le fait d'être prit dans les bras et d'être câliné représente un besoin vital. Quand votre bébé pleure quand vous le posez, ou quand il se calme dans vos bras, cela ne signifie pas qu'il fait un caprice, il n'en a pas les capacités (pour plus d'informations, vous pouvez consulter mon article sur les caprices). Cela signifie en fait que vous répondez à son besoin de proximité. Par ailleurs, l'enfant peut aussi pleurer dans le but de décharger ses tensions.


2. Les pleurs comme moyen de décharge.


Après une journée remplie de stimulations extérieures, l'enfant peut avoir accumulé beaucoup de tensions et de stress : passer de bras en bras, sentir tout un tas d'odeur, entendre une multitude de bruits, etc. Pour son bien être, il est essentiel qu'il puisse se libérer de ce stress et de ces tensions cumulées. Comment s'en libérer ? Et bien en pleurant ! Les pleurs sont un merveilleux moyen (pour petits et grands) de décharger les tensions et le stress. Plusieurs études ont montrées que lorsqu'on pleure, il y a une grande stimulation physiologique (Gross, Fredrickson & Levendson, 1994) suivie d'une profonde relaxation (Karle, Corriere & Hart, 1973). C'est pourquoi il est important de considérer que pleurer est plus qu'un moyen de communication, mais bien un réel besoin !

Ça ne vous est jamais arrivé de vous sentir tellement en colère ou tellement stressé que vous ayez envie de pleurer ? Ou encore de vous mettre à pleurer sans comprendre pourquoi ? Et bien ce sont votre cerveau et votre corps qui ont simplement besoin de décharger toutes ces substances liées au stress ! Alors sortez vos mouchoirs… 1, 2, 3 prêt ? Pleurez !

3. Les bienfaits des pleurs.


Amélioration de l'équilibre émotionnel

Lors d'une situation de stress, si l'enfant a la possibilité de pleurer dans un contexte sécurisant (ex. dans les bras d'un adulte), son cerveau pense avoir écarté et surmonté le danger. Ainsi, lorsque l'enfant sera de nouveau confronté à cette situation il aura moins de risque de déclencher une réaction de stress (Solter, 1998). De ce fait, pleurer réduit le risque que le cerveau associe un événement avec la notion de danger.


L'acceptation des pleurs contribue à un attachement sécure

Lorsqu'un enfant a la possibilité d'exprimer ses émotions par les pleurs et d'être accompagné par ses parents dans ces moments, il se sent davantage compris et accepté. Lorsque l'enfant grandira, il aura ainsi plus de facilité à parler de ses problèmes à ses parents, à pleurer si besoin et il saura qu'il peut compter sur eux d'un point de vue émotionnel (Solter, 1998). En revanche, lorsque l'entourage cherche à distraire des pleurs, ou à punir l'enfant de ses pleurs, il se sentira rejeté et abandonné d'un point de vue émotionnel (Solter, 1998).


Pouvoir pleurer augmente la confiance en soi

Lorsqu'un enfant grandi avec un entourage qui valide et accepte ses émotions et ses pleurs, il apprend à ne pas refouler ses émotions dans le seul but de faire plaisir aux adultes. Ainsi l'enfant se sent compris et surtout entièrement accepté. De ce fait il peut lui même grandir dans l'estime de lui-même avec une acceptation complète de ses émotions et de leur manifestations (Solter, 1998).


Facilite l'apprentissage

Le fait qu'un enfant puisse pleurer autant qu'il en a besoin (tout en étant accompagné dans ces pleurs), lui permet de décharger son stress. Et on le sait, lorsqu'un enfant est stressé il est plus difficile pour lui d'apprendre, de rester attentif et concentré (Brown & Rosenbaum, 1983). De plus les éducateurs ont remarqués que les enfants sont plus enthousiaste et efficace au moment de l'apprentissage lorsque "leur besoin de décharge émotionnelle est reconnu et accepté" (Weissglass, 1997 ; citation par Solter, 1998, p38).

En outre les apprentissages peuvent eux mêmes générer de la frustration et du stress, et comme il a été dit précédemment, lorsqu'un enfant a la possibilité de pleurer lors d'une situation stressante, il a moins de risque que son cerveau associe cette situation a un danger. Ainsi, les situations d'apprentissage ultérieures de seront pas automatiquement synonyme de stress pour lui (Solter, 1998).


Vous l'aurez compris, les pleurs ont beaucoup de bienfaits. En changeant la perception négative qu'on a des pleurs, il est plus facile de les laisser s'exprimer.

Quoi qu'il en soi, considérer que quelqu'un en "fait trop" quand il pleure ou dire à un enfant qu'il fait du "cinéma" ou un "caprice" est une grosse erreur. En effet, un enfant ne peut pas contrôler ses pleurs.


Pourquoi l'enfant ne peut pas contrôler ses pleurs.

"Il fait un caprice, c'est du cinéma !"

Pour comprendre pourquoi un enfant ou un bébé ne contrôle pas ses pleurs, je citerai un paragraphe de mon article sur les caprices : "Simplement parce que d'un point de vue neurologique, l'enfant n'en a pas les capacités. En effet, les pleurs ne peuvent pas être déclenchés volontairement chez les jeunes enfants puisqu'ils sont initiés par des parties autonomes du cerveau qu'il n'est pas en mesure de contrôler (Catherine Gueguen, 2014). En comprenant le développement cérébral de l'enfant, on conçoit plus aisément que le caprice n'existe pas." (Delesalle, 2021)


Je le répète donc mais lorsqu'un enfant pleure, il ne fait pas "exprès". Il n'a pas les capacités cérébrales pour ça. Ainsi, lorsqu'un enfant pleure c'est qu'il exprime un besoin insatisfait et/ou qu'il ressent une douleur ou encore une émotion trop difficile à gérer pour lui.


Face aux idées reçues selon lesquelles, l'enfant qui pleure est faible et/ou fait un caprice, il n'est pas rare qu'on utilise des mécanismes de répression émotionnels afin que l'enfant arrête le plus rapidement possible de pleurer.



La répression émotionnelle.


En tant qu'adulte il est parfois difficile de supporter les pleurs d'un enfant. Soit parce qu'on se sent impuissant, soit parce que ça nous renvoie à nos propres émotions et nos propres larmes...

Cette difficulté peut parfois nous conduire à avoir recours à des mécanismes de répression émotionnelle. Souvent ils sont utilisés machinalement et de façon inconsciente. Une des raison principale est que l'on a soi-même, lorsqu'on était enfant, été soumis à ces mêmes mécanismes de répression et nous avons appris à les utiliser à notre tour.


On différencie un comportement qui correspond à un besoin d'un comportement de répression, lorsqu'il est utilisé pour répondre davantage au besoin de l'adulte qu'à celui de l'enfant, à savoir : diminuer son sentiment d'impuissance ou diminuer le bruit des pleurs.


Voici quelques exemple de comportements utilisés pour réprimer les pleurs (Solter, 1998) :

- La tétine

- Le sein/le biberon

- La distraction (Par le jeu, la parole, la musique, etc.)

- La taquinerie ou l'humiliation ("Tu pleures, t'es un bébé" ; "Pleures, tu pisseras moins")

- En minimisant les émotions/douleurs ("Ne pleures pas c'est rien")

- En valorisant le fait qu'ils ne pleurent pas ("T'as pas pleuré, comme un grand !")

- En les faisant rire

- En leur demandant d'arrêter de pleurer "(Ça suffit, arrêtes de pleurer")

- En les punissant ou en les menaçant de les punir ("Tu veux pleurer pour quelque chose ?")

J'ajouterai le chantage affectif ou émotionnelle ("Il ne faut pas pleurer, tu me rends triste quand tu pleures")


Si vous souhaitez approfondir les raisons pour lesquelles ces comportements sont considérés comme un moyen de répression, je vous invite à lire le livre de Solter (1998).


Il me semble qu'au cours d'une vie, chaque adulte de ce monde a, au moins une fois, déjà été confronté à un de ces comportements.


Ces comportements de répression émotionnelle diffèrent d'un pays à l'autre, d'une culture à l'autre. Simplement car comme beaucoup d'autres comportements, certains sont plus ou moins valorisés dans une société donnée et donc plus ou moins transmis aussi.


Je voudrais revenir sur une phase que j'entends beaucoup :

"Ne pleures pas, ça va aller."

Parfois on demande aux enfants d'arrêter de pleurer en leur disant que "tout va bien" ou que "ça va aller". Mais qui essayons nous de rassurer au travers de ces phrases ? L'enfant ou nous-même ? Dans ce type de réaction la reconnaissance de l'émotion de l'enfant est souvent oubliée.


Comme je l'ai dit plus haut, pleurer n'est pas un simple moyen de communiquer, c'est un comportement qui cache un véritable besoin (celui d'être rassuré par exemple). Dans l'idée, lorsqu'un enfant se fait mal ou qu'il a eu peur de se faire mal, il est plus adapté de répondre qu'il a probablement eu peur mais que tout va bien et que vous êtes là pour le réconforter.


Il est souvent intéressant de pouvoir identifier le besoin de l'enfant pour y répondre, plutôt que d'essayer de le faire taire. Car en effet, lorsqu'on réprime les pleurs d'un enfant, cela ne fait que retarder le moment ou les larmes sortiront.


Cependant il faut essayer de comprendre pourquoi nous avons recours à ces comportements. Premièrement, il faut savoir que les pleurs sont difficilement supportables pour notre cerveau. Comme je l'ai expliqué plus haut, les cris et les pleurs sont justement conçus pour être difficilement supportables afin que l'adulte vienne au plus vite protéger l'enfant. Par ailleurs, ils peuvent aussi être insupportables pour d'autres raisons : hypersensibilité sonore, réactivation de blessures émotionnelles, transmission des représentations, etc. Toutes ces raisons font que la répression émotionnelle est très répandue. Qu'il s'agisse des bébés ou des adultes, on utilise tout un tas de moyens pour que la personne qui pleure arrête de le faire.

Mais sommes-nous sûrs de le faire pour que l'enfant ou l'adulte se sente mieux, ou le faisons nous car entendre/voir quelqu'un pleurer est trop difficile à supporter ? Finalement est-ce qu'on aide l'autre à "arrêter" de pleurer ou est-ce qu'on l'empêche de le faire pour notre propre confort ?

Mais s'il ne faut pas réprimer les pleurs d'un enfant, faut-il le laisser pleurer ?


Faut-il laisser pleurer un enfant ?


Il y a une différence qu'il est important de saisir entre le fait de laisser un enfant pleurer seul, et le fait de le laisser exprimer ses larmes tout en l'accompagnant.

Or dans notre société, on entend souvent tout un tas de phrases qui inciteraient les adultes à laisser les bébés et les enfants pleurer seuls.

"Laisses-le pleurer, au moins il deviendra autonome !"

Laisser pleurer un enfant ne l'a jamais rendu autonome. Si en apparence il pleure moins ou moins longtemps c'est simplement qu'il a apprit que personne ne répondait à ses appels et donc que personne ne répondrait à son besoin non plus. Cependant cela ne signifie pas que l'enfant "est calme". Même s'il s'arrête de pleurer seul, son cerveau est baigné dans les hormones de stress. En effet, lorsqu'un enfant pleure et que personne ne répond, il se sentira rapidement en insécurité, ce qui va générer chez lui du stress. Ainsi l'enfant ne pleure plus non pas parce qu'il est sécurisé, rassuré et détendu mais parce qu'il s'est résigné ou parce qu'il est épuisé. Ces hormones de stress, lorsqu'elles sont produites en trop grande quantité et de manière répétée, peuvent influencer négativement le développement cérébral de l'enfant. Je précise bien de manière répétée. S’il vous arrive une fois de laisser votre enfant pleurer car vous n'êtes pas en mesure de lui répondre, ce n'est pas grave.

"Laisses-le pleurer, ça lui fait les poumons."

Une autre idée reçue qui (malheureusement) continue de se transmettre : le fait de pleurer "fait" les poumons de l'enfant. C'est une idée qui est fausse. Avec les connaissances actuelle on le sait : les poumons d'un bébé né à terme et sans particularité, sont parfaitement matures à la naissance. Laisser pleurer un enfant pour faire ses poumons n'a donc aucune utilité.

"Il fait un caprice, ne cède pas."

Nombreux sont encore les adultes qui ont la sensation d'être dans un rapport de force ou de pouvoir avec l'enfant. Hormis le fait qu'un enfant ne puisse pas faire de caprice (voir l'article sur les caprices), lorsqu'on pense être dans un rapport de domination face à l'enfant on se trompe également. Personne ne gagne, personne ne perd quand il s'agit de la relation avec l'enfant. Il s'agit là d'un enjeu créé par l'adulte. Lorsqu'un enfant pleure pour exprimer un besoin, ou lorsqu'il pleure pour exprimer une émotions, ce n'est pas échouer ou céder de le rassurer et de le prendre dans vos bras. Quand bien même vous maintenez une limite claire, ça n'empêche en rien de faire preuve d'empathie avec l'enfant.


Alors vous l'aurez compris, si laisser pleurer un enfant peut parfois être utile lorsque son besoin est celui de décharger, il n'en demeure pas moins que l'enfant doit toujours (du moins quand cela est possible émotionnellement pour l'adulte) être accompagné ou soutenu par un adulte.


Mais s'il ne faut pas réprimer les pleurs d'un enfant, ni le laisser pleurer seul, quoi faire ?


Que faire lorsque l'enfant pleure ?


Dans un premier temps, lorsqu'un enfant pleure, il est important d'essayer de s'assurer que ses besoins vitaux soient remplis (manger, dormir, être propre, proximité). En effet, les pleurs sont souvent une manière pour un enfant d'exprimer le fait qu'un de ses besoins est insatisfait. Si ces besoins là sont satisfaits, il peut s'agir d'un autre besoin : celui de décharge.

Dans ce cas, il peut être plus difficile d'accompagner l'enfant dans ses pleurs car cela demande à l'adulte de rester près de l'enfant sans proposer quoi que ce soit, mais simplement d'être là jusqu'à temps que l'enfant ait assez déchargé pour être soulagé.


Lorsqu'on accompagne un enfant lorsqu'il pleure il est important de pouvoir verbaliser la situation, l'émotion de l'enfant et son besoin. Pour cela on peut utiliser une méthode en 3 étapes (Ce que je vois, ce que je crois, ce que je te propose), que j'ai détaillé dans mon article sur les comportements dits "agressifs".


Quand il s'agit d'un moyen de décharge on peut le verbaliser, par exemple : "Je vois que tu pleures, tu as du ressentir beaucoup de stress aujourd'hui, tu as probablement besoin de pleurer pour te soulager. Je suis avec toi, tu es en sécurité, tu peux pleurer si tu en as besoin."

Ce qui peut être difficile dans cette situation c'est de gérer notre propre émotion et nos sentiments. Notamment celui d'impuissance. En effet, quand un enfant pleure et que rien ne peut le calmer mis à part continuer de pleurer, l'adulte ressent souvent ce sentiment. Si l'enfant pleure pour décharger son stress, c'est qu'il en a besoin, essayez donc de garder à l'esprit qu'en lui permettant de pleurer tout en restant près de lui, vous répondez à son besoin.


Cependant, répondre aux besoins d'un enfant est parfois (souvent) fatiguant, tant physiquement qu'émotionnellement. Aussi, ça peut générer en nous tout un tas d'émotions. C'est pourquoi on ne peut pas ignorer l'adule dans tout ça.


Et les adultes alors ?


1. Pleurer : un besoin pour petits et grands

Combien de fois j'ai déjà entendu des adultes me dire "Parfois je sens que j'ai besoin de pleurer, mais je n'y arrive pas.". En effet, nous sommes beaucoup d'adultes qui ont dû, dès l'enfance, apprendre à réprimer nos pleurs car en société, pleurer est peu valorisé. Seulement, en grandissant quand le besoin de pleurer se fait sentir, notre cerveau et notre corps ne laissent pas les larmes s'exprimer...

D'ailleurs il arrive que les personnes qui s'autorisent très peu à pleurer, lorsqu'elle le font, ont la sensation de perdre le contrôle. Effectivement, le fait de refouler le besoin de pleurer, ne veut pas dire qu'il n'existe plus, simplement qu'il s'exprimera à un moment donné. Et donc, quand on accumule les larmes à l'intérieur, lorsque ça sort, ça peut être impressionnant.


Premièrement, pouvoir pleurer demande de modifier nos représentations vis à vis des pleurs. Quand on comprend que pleurer est un besoin et que ça soulage, nos représentations deviennent plus positives et cela contribue à faciliter le fait de se laisser aller. Mais ça n'est pas chose facile, ces remises en questions peuvent faire remonter en surface des évènements douloureux. C'est pourquoi il peut être intéressant d'être accompagné par un professionnel (psychologue par exemple) dans ce processus.


Compte tenu de notre histoire, de nos représentations et de nos possibilités de pleurer ou non, notre sensibilité face aux pleurs d'un enfant sera très différente.


2.La sensibilité aux pleurs

Chaque adulte réagit différemment face aux pleurs. Pour certains adultes, il est insupportable de laisser un bébé/enfant pleurer, tandis que d'autres supportent le bruit des pleurs. En crèche par exemple, lorsqu'un enfant pleure on repère que tous les adultes n'ont pas le même temps de réaction face aux pleurs, ni les mêmes réponses. Aussi, nous ne ressentons pas tous les mêmes émotions et sentiments face aux pleurs. En effet, certains ressentent de la colère, de la tristesse et d'autre de la culpabilité et de l'impuissance. Et puis parfois on ressent tout ça en même temps. Et toutes ces émotions ne sont pas faciles à gérer. Nos émotions et nos réactions varient en fonction de notre sensibilité. Cette dernière dépend de nos représentations et donc de notre histoire. En fonction de celle-ci, les pleurs d'un enfant peuvent nous renvoyer à certaines blessures, à certaines larmes que nous n'avons pas pu exprimer. Ainsi pour avoir des réponses adaptées, il est parfois nécessaire de s'interroger sur ce que ça nous renvoie en se posant quelques questions sur notre histoire. Par exemple :

Que vous a-t-on répondu lorsque vous pleuriez en étant enfant ? Est-ce que vous aviez tendance à réprimer vos pleurs ? Quelles émotions les pleurs vous font ressentir ?

Lorsque les pleurs nous renvoient à des événements difficiles, lorsque ça nous fait ressentir des émotions particulières, nous mettons parfois en place certaines défenses.


3.Les défenses face aux pleurs

J'en ai parlé dans la partie "La répression émotionnelle". Tous les  mécanismes de répression peuvent être considérés comme des défenses de la part de l'adulte. Ils sont souvent utilisés car les pleurs d'un enfant peuvent renvoyer l'adulte à plusieurs choses : à des sentiments de culpabilité et d'impuissance mais aussi à ses propres émotions et larmes qui ont souvent été refoulées. Le fait qu'un enfant pleure peut en effet nous renvoyer à notre difficulté, voir notre impossibilité de laisser aller nos larmes.

Et lorsque c'est le cas, on peut minimiser les émotions d'un enfant, ne pas considérer ses larmes, voir même l'humilier quand il pleure :

"Pleures, tu pisseras moins" ; "Ne pleure pas comme une fille" ; "C'est un caprice" ; "Ça forge le caractère" ; "Laisses le pleurer il en aura marre à un moment, il va s'habituer"

Dans le cas où vous utilisez ce type de phrase, je vous invite à vous questionner sur vos propres larmes, et sur les émotions que vous ressentez quand vous voyez un enfant pleurer : impuissance, culpabilité, tristesse, colère, peur ?


Cependant, il est possible que d'entendre un enfant pleurer soit difficile au point de devenir insupportable pour l'adulte. Et lorsque c'est le cas, la situation peut devenir dangereuse.


Quand les pleurs deviennent un danger pour l'enfant…


Cet article a été rédigé avant les derniers évènements d'actualité. J'adresse mes condoléances aux proches de l'enfant qui est décédé dans une crèche à Lyon.

Quand on parle des pleurs et des difficultés de la part des adultes pour y faire face, il est nécessaire de parler des violences que les enfants peuvent malheureusement subir. C'est pourquoi, j'ai décidé d'aborder dans cette partie de l'article le syndrome du bébé secoué et les autres violences, mais aussi le spasme du sanglot dont on parle peu, mais qui est en lien avec les émotions et les pleurs de l'enfant.


Le syndrome du bébé secoué et autres violences.

Comme je l'ai expliqué plus haut, les pleurs d'un enfant retentissent souvent comme un signal d'alarme pour le cerveau de l'adulte. C'est pourquoi ils sont parfois si difficiles à supporter. Il peut arriver qu'un bébé pleure durant plusieurs heures, sans que l'adulte parvienne à l'apaiser. Et dans ce type de situation il peut arriver que l'on ressente un sentiment d'impuissance, de culpabilité et aussi des pulsions agressives envers l'enfant. En effet, nous adultes, avons nos propres émotions et notre propre fatigue. Ainsi, lorsqu'on se sent épuisé et débordé émotionnellement, il peut être plus difficile d'accompagner les émotions et les pleurs d'un enfant. Et c'est à ce moment là que la situation peut être dangereuse : on se met à hurler sur l'enfant, on lui met une fessé ou une gifle, on l'attrape et le secoue...


Si certains adultes ne passent pas à l'acte, la majorité y ont déjà pensé ou ont ressenti la pulsion arriver. Pour prévenir ces situations lors desquelles des actes de violence sont commis, il peut être intéressant de réfléchir en amont à ce qu'on souhaiterait faire pour se dégager de la situation.

L'idée est de pouvoir mettre le bébé ou l'enfant en sécurité avant de quitter la pièce. L'objectif est de pouvoir prendre quelques secondes, voir quelques minutes pour essayer de s'apaiser un peu afin d'éviter d'avoir des comportements violents. Pour cela, on peut se poser quelques questions en amont de la situation : Comment puis-je mettre en sécurité mon enfant afin de pouvoir m'éloigner de lui dans ce type de situation ? Dans quelle pièce ? Ai-je la possibilité de contacter quelqu'un si la situation se produit ?


On ne peut réfléchir à ces questions qu'à tête reposée. En effet, lorsque l'émotion nous envahit de trop, il est difficile pour le cerveau de réfléchir et donc de répondre à ces questions. C'est pourquoi il peut être opportun de réfléchir à une forme de protocole à suivre en cas de situation de "crise".


Par ailleurs, avoir recours à ce type de comportement, ou simplement y avoir pensé peut être très culpabilisant pour certains adultes. Essayez de garder à l'esprit que ça arrive à beaucoup de personnes et que le plus important est de pouvoir en parler. A vos proches, à vos amis mais aussi à des professionnel.le.s qui peuvent vous accompagner. Le fait d'en parler vous permettra probablement de prendre du recul sur la situation, d'assimiler vos émotions et de pouvoir réfléchir à des solutions.


Dans le cas où un enfant a été secoué, voici les signes qui doivent vous alerter (cité par Syndrome du bébé secoué : une maltraitance qui peut être mortelle - Ministère des Solidarités et de la Santé (solidarites-sante.gouv.fr) :


Après les secouements, des symptômes pouvant être en rapport avec une atteinte neurologique grave surviennent immédiatement :

  • Somnolence inhabituelle, troubles de la conscience ;

  • Rigidité du corps ou au contraire une perte du tonus ;

  • Mouvements anormaux ou convulsions (les bras et les jambes se raidissent ou se mettent à bouger de manière incontrôlable) ;

  • Difficultés à respirer ou des pauses respiratoires ;

  • Diminution de l’appétit, refus de manger ou vomissements sans raison apparente ;

  • Perte des sourires ou babillage habituels ;

  • Moins bon contact, extrême irritabilité, pleurs inhabituels ;

  • Troubles oculaires : les yeux ont des mouvements anormaux, les pupilles sont de dimensions inégales, l’enfant louche ou ne suit plus du regard.

Que faire dans l’urgence ?

  • Contacter les secours médicaux d’urgence en appelant le 15 ou le 112 (114 par sms pour les personnes sourdes ou malentendantes) : un diagnostic et des soins précoces sont indispensables pour diminuer les séquelles neurologiques.

  • En attendant l’arrivée des secours, si le bébé présente des convulsions ou s’il vomit, le placer sur le côté, en position latérale de sécurité.

  • S’assurer que le bébé n’a pas de fièvre et s’il en a, la prendre en charge.

  • Vérifier s’il n’a pas besoin de boire ou de manger, d’être changé, couvert davantage ou au contraire, moins couvert.

Deux numéros verts existent pour entrer en contact avec des professionnels de la petite enfance :


Un numéro d’urgence : la ligne « Allo Enfance en danger » du Service National d’Accueil Téléphonique pour l’Enfance en Danger (SNATED) qui a pour mission d’apporter aide et conseil aux appelants confrontés à une situation d’enfant en danger ou en risque de l’être.

  • Joignable au 119 disponible 24h/24 et 7j/7.

Un numéro d’aide et d’écoute : la ligne « Allo Parents Bébé » de l’association Enfance et Partage qui a pour mission d’écouter, de soutenir et d’orienter les parents inquiets dès la grossesse et jusqu’aux trois ans de l’enfant.

  • Joignable au 0 800 00 34 56, du lundi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 18h.



Le spasme du sanglot.

Le spasme du sanglot touche environ 1 à 5% des enfant âgés entre 6 à 48 mois environ. Il se caractérise par des situations comme suit :

"le bébé pleure pendant environ une minute et, tout en pleurant excessivement, il retient son souffle au point de pouvoir en perdre conscience. Rarement, on peut observer des convulsions immédiatement après la perte de conscience de l’enfant; peu après, le bébé reprend habituellement conscience et respire normalement." (Goldman, 2015)


Ces épisodes sont causés soit par une douleur intense ressentie par l'enfant, soit par un envahissement émotionnel.

Attention : l'enfant ne provoque pas lui-même ces épisodes puisqu'il s'agit d'un réflexe involontaire que l’enfant n’a pas la capacité de contrôler.

Ce sont des épisodes qui sont très impressionnant pour l'adulte qui se trouve avec l'enfant mais ils sont souvent sans danger pour l'enfant. Il est cependant utile de consulter un médecin afin qu'il pose un diagnostic ainsi que d'être accompagné par un psychologue pour essayer d'aider l'enfant dans sa gestion émotionnelle.



Pour conclure...


Vous l'aurez compris (je l'espère) avec cet article que la question des pleurs est complexe et surtout (depuis toujours en fait) d'actualité. Dans cette société où notre stress et nos émotions sont mises à rude épreuve, pleurer est un moyen naturel (et gratuit !) de se soulager. Evidemment cela demande de travailler son histoire et ses représentations, mais ce travail vaut le coup !


Alors pourquoi ne pas s'informer et s'engager dans un travail qui nous fera évoluer personnellement mais aussi collectivement.



Pour aller plus loin…


Livres et articles :

  • B.Brown & L.Rosenbaum (1983). Stress Effects on IQ. Intervention au congrès de l'American Association for The Advencement of Science, Detroit.

  • (2017). Éduquer avec bienveillance. Sciences Humaines, 293, 4-4.

  • Goldman R. D. (2015). Le spasme du sanglot chez les nourrissons. Canadian Family Physician, 61(2), e79–e80.

  • Gueguen, C. (2015). Vivre heureux avec son enfant : Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives. Robert Laffont.

  • Gueguen, C., & D’Ansembourg, T. (2015). Pour une enfance heureuse : Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau. Pocket.

  • Guéguen, C. (2017). Le cerveau de l’enfant. L'école des parents, 622, 40-43.

  • Junier, H. (2019). Le manuel de survie des parents : Des clés pour affronter toutes les situations de 0 à 6 ans. InterÉditions.

  • Junier, H. (2021). Guide très pratique pour les pros de la petite enfance : 47 fiches pour affronter toutes les situations (2e éd). Dunod.

  • Junier, H., & Besse, C. (2021). Ma vie de bébé : De 0 à 3 ans, les mystères de son petit cerveau en développement. Dunod.

  • Petit-Mielet, A. (2018). Pleurs des bébés en question(s): Au cœur du protocole : des décisions précoces concernant la gestion émotionnelle et la gestion du stress. Actualités en analyse transactionnelle, 164, 3-21.

  • Solter, A. J., & Mouton di Giovanni, S. (2015). Pleurs et colères des enfants et des bébés : Comprendre et répondre aux émotions de son enfant (Nouvelle éd). Jouvence éditions.



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