Pleurs, cris, "non"... Aux alentours de 24 mois beaucoup d'enfants passent par une phase d'opposition durant laquelle ils vont s'affirmer et donc s'opposer aux autres. Si cette phase est présente chez beaucoup d'enfants, sa durée, son intensité et le vécu relatif à celle-ci est variable.
Alors pourquoi les enfants passent par cette phase ? Et surtout, comment réagir ?
L'opposition, à quoi ça sert ?
Si dès la naissance le bébé différencie au niveau perceptif et sensoriel ce qui relève de la stimulation qui lui est propre et ce qui relève d’une stimulation provenant de l’extérieur, la conscience de soi n'est pas encore acquise.
Pour arriver à la conscience de soi, l'enfant va passer par différentes phases : le sentiment de permanence du moi (conscience qu’il est permanent à la fois dans le temps et l’espace), la reconnaissance visuelle du moi, la reconnaissance verbale du moi et l'affirmation de soi. Parmi ces phases, la dernière est souvent plus difficile à vivre que les autres.
C'est autour des 2 ans que l'enfant va comprendre qu'il est un être à part entière et qu'il peut être autonome sur certains points (se déplacer par exemple). Ainsi, il va aussi découvrir qu'il peut avoir des envies qui lui sont propres. C'est pourquoi il est en mesure de défendre certaines envies et aussi certaines limites par l'opposition. C'est ce qui va pouvoir l'aider dans le processus de différenciation et de début de construction identitaire.
Cette phase de l'affirmation est donc développementale et elle est utile pour l'enfant. Cependant, elle peut être difficile à vivre, tant pour le parent que pour l'enfant.
Pourquoi cette phase peut être difficile à vivre ?
Les phases d'opposition sont souvent difficiles à vivre pour les parents... Mais aussi pour les enfants ! En effet, elles occasionnent des situations de conflit où les émotions (tant celles de l'enfant, que celles de l'adulte) ressenties peuvent être vives.
Emotions vives et difficultés de régulation : l'immaturité cérébrale de l'enfant.
J'ai déjà eu l'occasion d'aborder l'immaturité cérébrale du jeune enfant et les difficultés que cette immaturité occasionne dans mes articles précédents sur les caprices et sur les comportements agressifs.
Ce qu'il faut comprendre ici c'est que lorsque l'enfant prend conscience de ses désirs propres, il se confronte aussi à la réalité : le monde (y compris les adultes et les autres enfants) ne peut pas répondre à tous ses désirs. Cette confrontation à la réalité va générer de la frustration entrainant des émotions qu'il n'est pas toujours en mesure de gérer. C'est pourquoi durant cette période il peut arriver que les "crises" soient plus nombreuses.
Et ce sont souvent les "crises" qui mettent le plus en difficulté les adultes, car accompagner un enfant qui est en pleine tempête émotionnelle n'est pas toujours facile.
Les difficultés de l'adulte à accompagner les émotions de l'enfant
Bien-sûr qu'accompagner un enfant en proie d'émotion n'est pas chose facile. Et ce pour plusieurs raisons : L'adulte peut être fatigué et donc moins tolérant, la crise de l'enfant peut activer chez l'adulte des émotions et des sentiments (colère, tristesse, impuissance, culpabilité, etc.). Et toutes ces émotions, qu'il s'agisse de celles de l'enfant ou de celles de l'adulte, sont légitimes. Cependant, lorsqu'un adulte ne parvient pas à réguler ses propres émotions lors d'une situation de crise, il est peu probable qu'il parvienne à accompagner l'enfant dans les émotions que lui-même ressent. En effet, lorsque l'émotion prend le dessus, vos réactions peuvent être vives (crier, punir, etc.), ce qui peut faire monter encore d'un cran la tension entre l'enfant et vous. S'en suit un escalier qui ne permet ni à l'enfant, ni à l'adulte de s'apaiser et de trouver une solution à la situation. Il est donc parfois nécessaire, lorsque c'est possible, de passer le relais ou de s'éloigner respirer un bon coup, pour que nos émotions puissent redescendre afin de pouvoir ensuite accompagner l'enfant.
Pour accompagner les émotions et la frustration de l'enfant, j'ai proposé une piste d'action en trois étapes, que vous pouvez retrouver dans mon article sur les caprices (cliquez-ici pour le lire).
Quand bébé grandit : une étape difficile pour le parent
Par ailleurs, il y a parfois d'autres raisons qui rendent cette phase d'opposition difficile à vive pour le parent : il se rend compte que bébé à grandit ! Effectivement, la phase durant laquelle l'enfant prend conscience qu'il est un être à part entière, qu'il a ses propres désirs etc., est également la phase au cours de laquelle le parent prend conscience de la même chose :
"Souvent mon enfant me dit non, ca y est ce n'est plus un bébé...".
Ce sentiment de nostalgie du bébé qui grandit se retrouve souvent chez les parents. Laissez vous le temps de vous y faire, vous vous apercevrez qu'il y a plein de nouvelles choses que vous allez apprécier chez votre enfant qui grandit !
La crise comme opportunité.
Souvent la notion de crise ("crise d'ado", "crise des 2 ans", etc.) est perçue comme un passage négatif car le vécu relatif à celui-ci est souvent difficile. Cependant, on peut changer d'angle et percevoir la crise de manière positive : c'est à dire comme une opportunité. Ici, cette "crise des deux ans" peut être l'opportunité pour l'enfant de découvrir ses envies et ses limites, une opportunité d'évoluer et de grandir. Par ailleurs, c'est aussi l'opportunité pour l'adulte de se réajuster aux besoins de l'enfant, de lui laisser plus d'autonomie et donc une opportunité de découvrir une nouvelle forme de relation, une autre façon de partager des moments avec l'enfant.
Finalement, là où vous voyez crise et opposition, on peut aussi voir autonomie et évolution !
Comment faire ?
Je le dis souvent, mais encore une fois je n'ai pas de recette miraculeuse à vous proposer : simplement des pistes de réflexions.
Premièrement, demandez-vous : qu'est-ce qui est le plus difficile pour moi durant cette période ? Le conflit ? Le fait de voir que mon enfant grandit ? Ou tout à la fois ? Quelles émotions je ressens ?
Vous poser ces questions vous permettra de verbaliser ce que vous vivez, vos difficultés et les émotions associées.
Verbaliser c'est reconnaitre, et reconnaitre c'est le début d'un soulagement.
Si vous le voulez, vous pouvez essayer de changer de perception sur la situation : l'opposition est difficile à vivre, cependant elle est une opportunité et elle a une issue positive. En gardant ça en tête vous parviendrez, peut être, à relativiser sur la situation et donc à la traverser avec moins de difficulté. En revanche, si cette situation vous met trop en difficulté, que cela suscite beaucoup d'émotions que vous avez du mal à gérer, n'hésitez pas à faire appel à un psychologue pour qu'il vous accompagne dans votre vécu. Ce n'est pas parce que cette phase est développementale et qu'elle se produit dans beaucoup de familles, que le vécu n'est pas difficile et que ça ne mérite pas d'être aidé, au contraire !
Sans surprise, l'idéal c'est d'essayer d'accompagner l'émotion de l'enfant avec calme, il découvre qu'il ne peut pas avoir tout ce qu'il veut, et ce n'est pas facile pour lui. Il a donc surtout besoin d'aide pour apprendre à gérer toutes ces frustrations et ses émotions.
"Chacun fait ce qu'il peut, comme il peut" (Marc FLORENT, Psychologue)
Mais surtout : faites ce que vous pouvez... Parfois on est pas toujours disposé à accueillir les émotions de l'enfant, parce qu'on est fatigué, parce qu'on a nous aussi des émotions... Et c'est normal. Il y a des jours où certaines stratégies fonctionnent et d'autres jours où ce n'est pas le cas. Etre parent/professionnel, ça s'apprend ! Mais je le répète, n'hésitez jamais à demander de l'aide : à un.e ami.e, à la famille, à des professionnels (en PMI par exemple), à une psychologue, etc.
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